Imaginez un scénario qui pourrait arriver à chacun d'entre nous : vous êtes à Rennes et cet après-midi vous devez réaliser un exposé oral devant un public.
Cet exposé, nous avons passé de nombreuses heures à le préparer jusqu'à en avoir une parfaite maitrise. Nous connaissons le contenu de notre prise de parole sur le bout des doigts, nous avons répété de nombreuses fois notre discours sans qu'une erreur de vienne s'insérer. Nous avons même réaliser un support qui nous a valu les félicitations de nos proches. Vous ne voyez pas pourquoi cet exposé pourrait mal se déroulé car tout a été pensé en amont.
Le jour J arrive, vous prenez place devant l'assistance, le stress commence à monter et soudain et vous réalisez que votre rythme cardiaque s'est accéléré, vous commencez à avoir la bouche sèche et à avoir une sudation excessive.
Vous n'êtes plus du tout serein à propos de votre prise de parole, vous êtes de plus en plus anxieux et commencez à buter sur certains mots. Ce qui semblait être un exercice facile car largement préparé en amont est devenu un mauvais moment à passer.
Comment expliquer que cette situation qui devait être sous contrôle devienne source d'angoisse et d'anxiété ?
Notre corps nous envoie au quotidien divers signaux en fonction des situations que nous vivons, nous pouvons ainsi ressentir la fatigue, la faim ou la douleur.
Dans certaines situations que nous pouvons redouter nous pouvons également ressentir des signaux psychosomatiques, c'est le cas quand par exemple nous devons réaliser une intervention orale : notre coeur peut se mettre à battre plus rapidement, notre sudation peut devenir plus abondante, nous pouvons avoir la gorge plus sèche. La capacité de percevoir ces différents signaux est appelée l'intéroception et cette dernière peut être plus ou moins précise en fonction des personnes.
Ainsi, il peut arriver qu'une mauvaise interprétation ou une sur-interprétation de certains signaux physiologiques peut nous mettre en difficulté.
Et si ce rythme cardiaque qui s'accélère était le signe que votre corps se met en situation de vigilance pour vous aider au mieux à réussir votre exposé et non le signe d'une prochaine attaque de panique ?
Intéroception et anxiété
Une des meilleures mesure pour déterminer le niveau d'anxiété d'une personne est son rythme cardiaque, plus nous sommes anxieux, plus ce niveau sera élevé. Et à contrario, plus le niveau de stress sera faible, plus le rythme cardiaque sera faible.
Il est important de noter que chaque personne a un rythme cardiaque qui lui est propre, dépendant de sa propre physiologie et bien souvent nous n'avons pas forcément idée de ce dernier : quand vous êtes détendu, est-il plutôt lent ou rapide ?
Connaître cette information peut être utile car lors d'un moment de stress, une focalisation attentionnelle sur votre rythme cardiaque pourra être interprétée de la mauvaise manière.
En effet, en situation de stress nous avons tendance à devenir plus vigilant sur notre environnement mais également sur nous même. Est-il possible que ce rythme cardiaque qui nous semble élevé lors de cette prise de parole ne soit pas si élevé qu'à l'accoutumée ? Est-il possible que c'est la mauvaise interprétation que nous faisons de ce dernier qui est source de stress plutôt que la situation en elle-même ? Es-il possible que sans que nous nous en rendions compte nous provoquions nous même cet état de panique ?
Environnement et intéroception
Si il n'est pas facile de déterminer son rythme cardiaque lors de moments stressants et angoissants, cela ne veut pas dire que c'est impossible.
Une étude menée par Wittkamp en 2018 nous indique en effet que si certaines personnes arrivent plus facilement que d'autres à identifier correctement différents signes physiologiques, l'environnement dans lequel nous sommes va également avoir un rôle dans notre capacité à identifier ces signes.
Dans cette étude, les chercheurs ont demandés à des personnes de compter le nombre battements de leur coeur pendant un temps donné. Ce nombre était ensuite comparé à une mesure réelle réalisé à l'aide d'un ECG.
Dans un second temps, les chercheurs ont demandé à d'autres personnes d'indiquer si leur rythme cardiaque était synchronisé avec un stimulus externe : un clignotement lumineux. L'objectif était de mesurer à quel point les personnes était précises dans leur évaluation.
Par la suite, il a été demandé à des personnes de réaliser ce même type de tâches dans deux conditions d'expérimentation : un état de repos et un état de stress.
Les chercheurs avaient donc obtenus des résultats pour une tâche de comptage en état de repos et de stress ainsi que des résultats pour une tâche de précision en état de repos et de stress.
Il est ainsi apparu que la capacité d'intéroception d'une personne, c'est à dire sa capacité à évaluer de manière précise son activité physiologique était expliquée à environ 40% par ses caractéristiques personnelles et à 30% par la situation dans laquelle elle se trouve (en situation de repos ou de stress). Les 30% restants correspondent à de possibles erreurs de mesure.
Ces résultats nous indiquent que si nous ne sommes pas tous égaux pour identifier correctement les signes que nous envoie notre corps il est tout à fait possible d'apprendre à repérer ces derniers mais également d'agir pour mieux maitriser ces différents stimuli.
Les thérapies cognitives et comportementales peuvent favoriser cet apprentissage en aidant la personne à mieux identifier les liens entre nos pensées et notre comportement dans une situation donnée.
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